La bonne nouvelle, c’est qu’aujourd’hui la technologie permet d’envisager une traçabilité exhaustive et infalsifiable de chaque produit alimentaire. La solution mise en avant est la blockchain, c’est-à-dire un registre numérique distribué et sécurisé où chaque acteur de la chaîne enregistre les informations relatives à sa partie du process. Une fois enregistrées, ces données ne peuvent plus être modifiées (grâce au principe des blocs chaînés cryptographiquement). Résultat, on obtient un historique complet du produit, consultable par tous, du producteur au consommateur final.
Concrètement, comment cela se traduirait-il en magasin ? Chaque produit aurait un code QR unique sur son étiquette (ou un tag NFC pour certains) : en le scannant avec son smartphone, on accéderait à toute la fiche de traçabilité. Par exemple, pour une boîte de thon, on pourrait voir : pêché tel jour, par tel bateau, débarqué à tel port, transformé dans telle conserverie.... Pour un steak : né dans telle ferme, élevé par tel éleveur (GPS et nom de l’élevage), abattu à tel abattoir (numéro d’agrément), découpé à tel atelier, vendu tel jour en rayon. Pour un paquet de biscuits : blé cultivé en Beauce par M. X (variété, date de récolte), sucre de canne origine Brésil (fournisseur Y, récolte 2024), fabrication dans l’usine BN de Vendée le 12/09/2025, etc. On pourrait aussi y intégrer les coûts ou la part payée au producteur (certifiée via la blockchain).
Cette solution peut sembler futuriste, mais en réalité elle est déjà expérimentée. L’exemple cité dans la pétition est celui de la solution VeChain ToolChain™ utilisée par Walmart en Chine, par LVMH dans le luxe, etc., avec un coût unitaire de seulement 0,01 à 0,03 € par lot alimentairepetitions.assemblee-nationale.frpetitions.assemblee-nationale.fr. En France, Carrefour a déployé dès 2018 la blockchain sur sa filière poulet d’Auvergne : sur chaque poulet Fermier d’Auvergne Carrefour, un QR code donne l’origine de l’œuf, le nom de l’éleveur, l’alimentation reçue, les contrôles qualité, etc.bfmtv.com. Le consommateur peut retracer tout le parcours de l’animal, de l’élevage jusqu’au rayonbfmtv.com. Devant le succès (les ventes de ces poulets ont augmenté, signe que la confiance était renforcée), Carrefour a étendu l’initiative à d’autres produits Filière Qualité (tomates, œufs, camembert, saumon…). L’interface est simple et didactique, avec des pictogrammes, cartes et parfois photos. Ce n’est pas le seul : Auchan a mené des tests comparables en partenariat avec la start-up TE-FOODselecta.com, Nestlé et IBM ont le projet Food Trust. Bref, la faisabilité technique est avérée.
La proposition de loi vise à généraliser ces pratiques à l’ensemble des produits alimentaires. Ce serait une première mondiale : rendre obligatoire pour tout producteur, importateur ou distributeur la participation à un système national de traçabilité blockchain. Bien entendu, cela implique de déployer l’infrastructure (serveurs, base de données distribuée, applications de scan, etc.). Le coût a été évalué dans le texte : environ 100 M€ de matériel (QR codes, capteurs IoT…), 60 M€ de développement logiciel, 200 M€ de licences/maintenance sur 5 ans, 30 M€ de communication/formationpetitions.assemblee-nationale.frpetitions.assemblee-nationale.fr. Soit environ 390 M€ au total sur 5 ans. C’est conséquent, mais à rapporter aux 300-450 M€/an de bénéfices attendus (fraudes évitées, optimisation)petitions.assemblee-nationale.fr. En clair, la mesure s’autofinancerait en quelques années. D’autres estiment qu’en réduisant le gaspillage et les rappels de produits (grâce à la précision accrue), on gagnerait encore plus.
Comment cela fonctionnerait-il pour l’importé ? Là aussi, tout lot entrant devrait être enregistré sur la blockchain, idéalement par l’exportateur ou son importateur. Si un importateur de soja brésilien veut vendre en France, il devrait fournir les données de traçabilité (ferme de production, silo, bateau, etc.) sur le registre. Sans cela, pas de mise sur le marché. Cette contrainte technique serait une manière indirecte d’imposer nos standards : par exemple, s’il doit rentrer dans le champ “produit traité : oui/non – substance X : oui/non”, le simple fait de devoir l’indiquer peut dissuader d’utiliser la substance X interdite en UE. D’où l’intérêt couplé des deux volets : la blockchain, combinée à la clause miroir, permettra de pointer tout non-respect.