L’Union européenne et ses normes : atout ou piège ?
Des normes exigeantes qui honorent la France et l’UE
Le revers de la médaille : des normes qui peuvent handicaper face à l’extérieur
Cependant, ces normes européennes peuvent devenir un “piège” lorsqu’il s’agit de la compétition avec le reste du monde. Car l’UE applique scrupuleusement ces règles à ses producteurs, mais lorsqu’elle négocie des accords de libre-échange, elle n’impose pas toujours toutes ces contraintes à ses partenaires. Ainsi, de nombreux produits non conformes à nos standards peuvent entrer moyennant contrôles a minima ou quotas. C’est le cas typique du Mercosur : le projet d’accord UE-Mercosur inclut un quota de 99 000 tonnes de bœuf sud-américain à droit de douane rédui. Ce bœuf, même sans hormones, est souvent élevé en feedlots intensifs ou sur des pâtures issues de déforestation. Il arriverait sur le marché européen environ 20 % moins cher que le bœuf européen sur certains morceaux. Les éleveurs européens y voient une menace existentielle, d’où leur opposition frontale. Ils dénoncent « l’hypocrisie d’un accord libre-échangiste qui sacrifierait le modèle agricole français sur l’autel de la diplomatie ». Effectivement, l’UE en cherchant des débouchés pour ses voitures ou machines-outils, a pu être prête à concéder de la viande ou du sucre. C’est ce qui est perçu comme un “piège des normes” : on impose des coûts à nos agriculteurs (bien-être, environnement), puis on ouvre le marché à des concurrents ne supportant pas ces coûts.
Autre exemple, l’UE a interdit depuis 2018 trois néonicotinoïdes (clothianidine, imidaclopride, thiaméthoxam) en usage plein champ. Bonne chose pour les abeilles. Mais dans le même temps, la récolte de colza a chuté (ravageurs). Pour compenser le manque de protéines, on a importé plus de tourteaux de soja d’Amérique (or ce soja est traité avec d’autres pesticides, parfois lui aussi aux néonics en enrobage de semences aux USA). Donc on a potentiellement fait bosser les abeilles d’ailleurs… Difficile dilemme. L’UE commence juste à ajuster, via le règlement “déforestation” comme mentionné, et des baisses de LMR pour néonics d’ici 2026. Mais pendant 8 ans, on a eu cette incohérence. Ce décalage peut être vu comme “l’UE piège ses agriculteurs qui respectent la règle, sans empêcher l’import du produit du voisin qui ne la respecte pas”. D’où le sentiment d’injustice et de dévalorisation du travail bien fait.
Il y a aussi la question du coût administratif : la sur-réglementation et la complexité européennes pèsent plus sur les petites structures. Un grand groupe a des juristes pour remplir la paperasse PAC, un maraîcher de 5 ha galère avec les formulaires. Le risque est de favoriser l’agrandissement et la concentration. L’UE en a conscience et parle de “simplification”, mais beaucoup d’agriculteurs en France se plaignent du “bureaucratisme bruxellois”. Ce n’est pas un mythe : un audit de la Commission a reconnu que les agriculteurs consacrent en moyenne 15 % de leur temps administratif, ce qui est énorme. La proposition citoyenne n’aborde pas explicitement ce point, mais la blockchain pourrait remplacer pas mal de déclarations : si toutes les données de l’exploitation sont sur la chaîne, plus besoin de faire x formulaires, l’administration pourrait y avoir accès (avec consentement) et calculer les aides PAC etc. Ce serait un bénéfice indirect de la numérisation.
La question des relations commerciales internationales
Certains craignent des mesures de rétorsion de nos partenaires si on ferme notre marché sur nos exportations de vin, fromage si on bloque des produits étrangers. En effet, l’OMC n’autorise les barrières sanitaires que si justifiées scientifiquement (ex : danger pour santé). La notion de bien-être animal ou d’environnement est plus difficile à brandir comme motif
L’UE commence tout de même à intégrer des “chapitres développement durable” dans ses accords, mais sans mécanismes contraignants. Le projet de loi citoyenne suggère aussi une autre approche : faire de l’UE un champion de la préfèrence environnementale. Par exemple, si on aligne nos tarifs douaniers sur le contenu carbone (mécanisme d’ajustement carbone aux frontières, déjà en route pour l’acier et le ciment), on pourrait imaginer demain une taxe sur les aliments selon leur empreinte carbone ou pesticide. L’Observatoire européen de la fiscalité a proposé une taxe pesticides sur les produits importés contenant des substances interdites en UEreussir.fr. Ce serait une façon de rééquilibrer sans tout bloquer.
Pour la France, en attendant que l’UE évolue, la proposition de loi dit clairement : on inscrit dans le droit interne l’exigence que tout aliment respecte nos normes petitions.assemblee-nationale.fr. Quitte à ce que la Commission nous tape sur les doigts. Mais la France n’est pas seule : 12 États membres ont soutenu en 2021 une initiative sur la réciprocité des normes, signe que le vent tourne.